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Un bon livre

dimars 4 de setembre de 2012, per  Francis d’Abrigeon

UN  BON LIVRE ET UNE BONNE CRITIQUE DE LIVRE

Nous reproduisons ci-après dans son intégralité une critique de livre parue dans le journal Le Monde le 29 juin dernier. Ce journal ne nous a pas trop habitué à des articles aussi sympathiques à notre cause. Qu’il en soit loué !
Deux remarques seulement :
- Robert Laffont n’est jamais cité. Pourtant, c’est bien lui qui a été l’inventeur du concept de « colonisation intérieure.
- Par ailleurs, on souhaitera que la future Maison de l’Histoire de France fasse au moins une part à cette critique du dogme français qu’on dit jacobin mais qui a été à peu de choses près celui de l’Ancien Régime et qui a bien survécu au jacobinisme.

Louis-Georges TIN

La France contre l’Autre

A propos de « La désunion française. Essai sur l’altérité au sein de la République »
Un livre d’Yvon Ollivier, chez « L’Harmattan », « Questions contemporaines », 260 p., 27€

« D’où vient le français ?
-Du latin »
Voilà ce que répondent mes étudiants de lettres quand je les interroge. C’est l’erreur que tout le monde apprend à l’école. En réalité, le français vient du francien qui, avec le picard, le gascon,l’anglo-normand, l’occitan, le provençal, etc…, constitue l’ensemble des langues parlées dans la France médiévale. Et le francien vient de la langue romane, elle-même issue du latin. Bref, croire que le français vient du latin, c’est confondre son père et son arrière-grand-père. Mais cette erreur commune, volontairement diffusée par l’école de la République, a permis d’effacer de la mémoire nationale les autres langues de France, reléguées au rang de « patois » indignes, comme si elles étaient un sous-produit du français, alors que c’est le français qui est un sous-produit de ces langues plus anciennes.

Le breton, qui fait partie de ces langues combattues par la République, est au cœur du livre que publie Yvon Ollivier, magistrat et membre de l’Institut culturel de Bretagne, « la Désunion française ». En effet, l’histoire politique des langues régionales, et du breton notamment, permet de mettre en évidence la construction de l’identité nationale en France. Il y a des langues qui meurent, paraît-il; il y a surtout des langues qu’on assassine. En 1845, le sous-préfet de Morlaix expliquait aux instituteurs ; « Surtout, rappelez-vous que vous n’êtes établis que pour tuer la langue bretonne ! ». En 1925, Anatole de Monzie, ministre de l’Instruction publique, affirmait : « Pour l’unité linguistique de la France, il faut que la langue bretonne disparaisse ». C’est au nom de « l’efficacité » que la Poste, en 2008, demande à la Bretagne de franciser les lieux-dits. C’est au nom de la République que Marine Le Pen, s’offusqua de la signalisation bilingue en Bretagne. On vous l’a dit : il faut que meure le breton. Voilà quelques petits faits que rappelle Yvon Ollivier.

ESPRIT DE CONQUÊTE
Mais l’ouvrage propose aussi une manière nouvelle de lire l’histoire de France. Au-delà de la question bretonne, Yvon Ollivier entend ici repenser toute notre histoire nationale. Comme il l’affirme clairement, « L’universalisme républicain demeure indissociable de l’esprit de conquête ». Dès lors, la colonisation intérieure, soumettant les identités régionales à la norme parisienne, a été redoublée par la colonisation extérieure, en Algérie, dans le reste de l’Afrique et ailleurs. Comme l’analyse très finement l’auteur, « la France n’a pas colonisé par accident, mais en raison de convictions assumées qui participent de la manière dont elle persiste à se définir ».
C’est donc cette conception de l’identité nationale qui régit encore notre vie d’aujourd’hui. L’unité a été faite contre l’altérité et, comme l’indique l’auteur, « la République porte en ses fondements une mystique de la souveraineté et des dogmes qui s’oppose catégoriquement à la Démocratie ». Vue de Paris, la République est peut-être un merveilleux idéal ; vue de Bretagne, d’Alsace, de Provence, des Antilles, des banlieues, des anciennes colonies, etc…, elle est souvent une terrible illusion, faite de mépris, de contrainte et de violence.
Il suffit donc de choisir le « bon » point de vue pour sauvegarder les illusions qui nous dominent tous les jours.

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